jeudi 10 décembre 2015

Entrée XXI - Le vieux chêne!



XXI
10-12-2015

Le vieux chêne!

Après à peine trois heures de sommeil me voilà bien réveillé. Je pense à ma mère, LE VIEUX CHÊNE!

C’est le titre que j’ai donné à un texte que j’ai lu à ses funérailles. Il y a quelques semaines. Oui maman est décédée le jour où je suis sortie de l’hôpital suite à mon intervention chirurgicale pour retirer la masse causée par ARNOLD.

En fait le texte s’intitulait : LE VIEUX CHÊNE EST TOMBÉ. Maman est décédée sans savoir ce qui m’arrivait. Et c’est bien ainsi. Elle n’a pas su non plus pourquoi je ne la visitais plus depuis quelques semaines, mais ma sœur a su répondre à son questionnement sans la perturber ni lui révéler mon état.

Donc je n’ai pas vu ma mère  juste avant sa mort. En fait pendant un mois et plus, je n’ai pu me rendre la visiter à  l’hôpital des vétérans. Est-ce pour cela que je me sens si détaché d’elle, si distant? À ses funérailles j’étais affaibli par l’opération, accablé par la présence insistante d’ARNOLD, submergé par un océan d’émotions. Je suis allé au salon funérailles dans cet état. Je me suis effondré au cercueil en voyant maman. Pas parce que j’étais triste qu’elle soit morte. Pas du tout, j’étais heureux pour elle, mais triste pour moi. Sa vie la tenaillait les derniers mois et elle se préparait à nous quitter. Je crois que le vieil adage « On accepte de mourir quand vivre est plus souffrant que mourir » s’appliquait dans son cas.

Je me sens distant dis-je. Aux funérailles mon entourage me reflétait pour me consoler, que maman serait encore plus disponible pour m’aider. Plus proche du boss! Je me suis accrochè à cette image. Maman pourra mieux m’aider de là-haut. Mais je ne la sens pas présente. Rien du tout. Quand j’essaie de dialoguer avec elle il n’y a rien. C’est le vide, le néant. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne se fait pas présente, mais seulement que je ne la sens pas.

Cette nuit je pense à elle. Vous aurez compris que si je l’appelle le vieux chêne, c’est que ma mère c’est du solde. Ma mère était une femme de force et d’orgueil dans son sens le plus positif. Solide comme un chêne au travers les tempêtes de la vie. Je pense à elle en ce moment car j’espère lui ressembler un peu. J’ai mal et la douleur me tient réveillé. J’aurai un deuxième traitement dans cinq jours. Serait-ce pire? Serai-je à la hauteur? Si je suis comme le vieux chêne, il n’y en aura pas de problème. J’aimerais lui en parler pour qu’elle me rassure. Mais rien. Je suis triste,  bien égoïstement.

Comme j’aimerais l'entendre me dire sa fameuse phrase : «  Ne t’en fais pas, je mets ça dans les mains du grand boss. » Ma mère avait une foi simple, pas compliqué. Mais cette foi la gardait depuis toujours sur le droit chemin. Celui de la confiance et la paix. Je repense aux fois où elle partait avec sa sœur Léonie une fois l’an pour la grande confesse. Une foi qui vient de la vie et non des grands livres.

Maman savait me parler de sa foi. Elle et moi avons eu des heures d’échanges sur ce sujet. Elle savait que la foi est importante pour moi. Nous étions à des années lumières l’un de l’autre sur ce sujet, mais on se rejoignait tout de même dans la conviction de l’existence de Dieu. C’est certain que ma vision d 'un Dieu bien incarné dans le terreau humain la troublait un peu, mais on en riait bien.

Maintenant rien. Les lignes de communications ne sont pas encore ouvertes. Nous qui avons passé notre vie à parler de tout et de rien. M’ennuyer? Non je ne suis pas un ennuyeux, ni un nostalgique. Mais nos palabres me manquent. Sa force me manque. J’aimerais y goûter, m’y abreuver. Comme à chaque fois que je quittais l’hôpital des vétérans, après une visite, j’avais l’impression d’être plus fort, plus capable de coper avec la vie. Cela me manque. Particulièrement en ce moment de ma vie. Je suis heureux que maman n’aie pas su pour mon cancer avant de mourir. Le sait-elle maintenant? Est-elle triste? Trop triste pour m’aider? Ou est-ce moi qui suis trop centré sur ARNOLD et ma personne, sur mon drame,  que je ne lui fais pas de place. Triste. Je pourrais poursuivre ma réflexion mais j'ai trop mal alors je tente de me reposer. J'y reviendrai peut être une autre journée. Ce matin je dois aller pour une prise de sang.

Hier soir, brisant la routine toujours, une partie de la tribu est allé, grâce à Matthieu, voir le spectacle de Philippe Laprise. Rire a fait beaucoup de bien à tout le monde je pense.

Voici le texte que j’ai lu aux funérailles de maman.

Le vieux chêne est tombé
Le vieux chêne est tombé.
Les vents déracinant de la cinquième saison
l’ont couché délicatement, sans bruit et sans façon.

Le vieux chêne est tombé,
mais sa longue vie témoigne de sa grande ténacité.
Son histoire vaut la peine d’être racontée.

Ses racines partaient de loin.
Tout près de son fleuve tant aimé,
dans lequel il a toujours demeuré enraciné.

Car en tant que jeune chêne, il a dû voyager, se déplacer.
Il a su s’enraciner dans une nouvelle talle,
sans jamais se déraciner de sa Gaspésie natale.

Plusieurs fois les vents et les tempêtes ont menacé le jeune chêne,
frêle encore d’une plantation récente
et sans doute aussi d’une jeunesse insécurisante.

Plusieurs fois les vents contraires ont blessés le jeune chêne,
mais sa sève tenace et abondante,
le soutient, lui donne force et solidité.

Le jeune chêne poussait vers le ciel ses branches et sa foi.
C’est au service des autres qu’il trouvât sa voie.
Au service du pays qu’il se déploya.

Des roses déposées un soir de Noël, réchauffèrent sa sève
Le chêne devint fécond et produisit beaucoup.
Il sut malgré tout tenir le coup.

De saison en saison le chêne donna tout ce qu’il pu.
Les roses se fanèrent, la vie bouscula et il redevint seul.
Entourée de sa forêt, mais tout de même seul.

La cinquième saison s’annonce difficile et pressante.
Il s’arc boute encore une fois, droit, fier, solide.
Cependant il reconnaît les signes troubles.

Le temps file, le temps change, le temps meurt pour notre vieux chêne.
Il vascille, il tremble et perd ses branches.
Ses racines ne le tiennent plus.

Le temps lui échappe malgré son désir de l’arrêter.
Si seulement il pouvait l’empêcher de fuir,
Malgré son désir, le vieux chêne est tombé.

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