ENTRÉE XXVI
14-12-2015
VIVRE!
Aujourd’hui nous avons eu notre
rendez-vous prétraitement. L’objectif est d’évaluer si le patient a récupéré
suffisamment de son dernier traitement de chimio pour recevoir son prochain
traitement. Eh bien nous avons le feu vert pour le traitement. Donc c’est une
bonne nouvelle. Mon système immunitaire a récupéré suffisamment pour que l’on
poursuive. Je ne suis pas surpris, car je me sentais nettement plus fort depuis
quelques jours, malgré les limites physiques que je ressens bien.
Ce fut une merveilleuse journée.
Nycole m’a accompagné au rendez-vous. Nous avons été à l’hôpital plus de trois
heures. Oui c’est long et ma légendaire patience fut mise à l’épreuve, mais mon
humeur était « boosté » par mon énergie débordante. Nous avons rencontré
un nouveau médecin qui remplaçait mon oncologue. Mon besoin quand je suis assis
en face du médecin qui a la responsabilité de me soigner est d’avoir l’impression
que le médecin est intéressé, qu’il sait écouter et qu’il est capable de me
rassurer ou répondre adéquatement à mes questions. Malheureusement ce ne fut
pas le cas. J’avais nettement l’impression, après une heure et demie d’attente,
qu’il ne savait pas trop pourquoi j’étais là (au sens figuré évidemment). Mais
l’important est qu’il pouvait donner le feu vert et prescrire le traitement.
Ensuite, comme nous n’avions pas
dîné, nous avons fêté la bonne nouvelle au restaurant. Fêter le fait de recevoir
une autre dose qui me rendrait encore plus malade peut sembler bizarre. Mais chaque traitement attaque, en plus de mes
bonnes cellules, les cellules produites par ARNOLD qui cherchent à me détruire.
Donc il fallait fêter le fait que mon système s’est remis rapidement et que la
bataille peut continuer.
Nous avons ensuite, grâce à mon
énergie sans fin (sic), fait quelques commissions et pris le temps de saluer
nos amis. Quel plaisir d’arriver à l’improviste et partager un verre de vin et
beaucoup de rires. Croyez-le ou non, après un arrêt à la pharmacie pour un nouveau
médicament ajouté pour tenter de calmer mes douleurs abdominales, j’ai brassé
une recette de biscuits frigidaires. La recette de ma mère. Il était passé 19 :00
heures.
Je pense que j’étais habité par cette phrase entendue à l’émission
SECOND REGARD de la part de la fondatrice du DEATH CAFÉ, un atelier où
le sujet de partage est celui de la mort. Elle affirme que « si on
réalisait que ce n’est pas de la mort dont nous avons peur, mais plutôt de
perdre la vie, peut-être on s’occuperait mieux d’elle. » Cette phrase
rejoint une pensée de Maurice Zundel que je porte beaucoup dans mon coeur et ma
tête depuis longtemps. "La vraie
question n'est pas de savoir si nous vivrons après la mort, mais si nous serons
vivants avant la mort."
J’ai souvent mentionné dans ce
blog l’urgence de vivre qui bouillonne en moi actuellement. VIVRE et non
vivoter! Ces deux citations nourrissent cette urgence. Lors d’un échange avec
un ami samedi, j’ai compris que mon urgence de vivre est une réponse à un manque,
un manque réel et un manque anticipé. Manque réel pour toutes les choses que je
n’ai pas faites, pas comprises, pas acceptées, même fuit dans ma vie, l’amour
tant recherché. Manque anticipé pour ce que je vais perdre à cause d’ARNOLD,
tout l’amour reçu.
Faut pas dire perdre évidemment,
car l’amour reçu et accepter ne peut se perde vraiment. Mais dans mon cœur actuellement
j’ai peur de perdre ce que j’ai tant cherché dans ma vie. C’est viscéral comme
peur. Cela vient de ma blessure d’abandon. Jeune enfant, j’ai vécu l’abandon
quand ma mère m’a placé dans une famille inconnue, le temps d’une
hospitalisation. Elle n’a pas fait cela pour mal faire, elle n’avait pas le
choix, mais dans la tête du petit gars je me suis senti abandonné. J’ai été
battu, j’ai eu peur et j’ai enregistré que l’on m’avait abandonné aux mains de
gens pas très gentils.
Encore aujourd’hui, grâce à l'agression d'ARNOLD, la blessure d’abandon est à fleur de peau
depuis le début de cet épisode. Heureusement que je la connais bien cette blessure.
Mais dans mon état actuel, je n’ai pas autant la capacité de la « dompter »,
de la rassurer. Je crains l’abandon encore plus. Certaines personnes, de qui je
suis assez proche, gardent une distance actuellement trouvant trop difficile de
me voir souffrir. L’abandon remonte aussitôt, malgré que je veuille bien
accepter le cheminement de chacun. La vie m’abandonne tranquillement, je devrai
apprendre à abandonner aussi certaines de mes activités, de mes rêves, même mon
besoin de bâtir quelque chose. Comme me disait mon ami c’est moi qui est en construction,
c’est moi que je bâti actuellement. Avec les nouvelles limites avec lesquelles que
je dois composer.
VIVRE et non vivoter! Cesser d’avoir
peur d’être abandonné et me laisser aimer par les personnes qui le veulent. Ne
pas avoir peur des relations nouvelles ou la reprise d’anciennes relations. Une
patiente en fin de vie m’a dit un jour en refusant une visite que je voulais
lui faire : « Non merci, je ne veux pas créer une relation que je
devrai quitter bientôt. » À ce moment, je me suis dit c’est de valeur elle manque
l’occasion de vivre de nouvelles relations qui pourraient être enrichissantes. Aujourd’hui
je comprends ce qu’elle voulait dire. Mais je suis convaincu que ce n’est pas
la bonne route.
Demain donc un deuxième
traitement qui fera bataille contre ARNOLD. En acceptant ces traitements je
crie mon désir de VIVRE. Il faut honorer ce désir en VIVANT et non en ayant
peur d’être abandonné, non en étant en retenu, non en refusant des relations,
non en oubliant ses rêves.
Je vois déjà des changements opérés
en moi donnant libre cours à cette urgence de vivre. J’ose plus nommer mes besoins.
Je fais des choix relationnels plutôt que fonctionnels. Je dépasse certaines
convenances pour vivre un moment particulier. J’aime ce que cela me procure
actuellement de bien-être et de plaisir, mais aussi de profondeur. J’y vois la
présence de Dieu!
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