ENTRÉE XXXVI (36)
24-12-2015
La dernière fois!
Aujourd’hui c’est la veille de
Noël. Serait-ce ma dernière? Serait-ce la dernière fois que la Vie me permet de
vivre ce temps béni de la fête de la Présence, de la proximité de Dieu, un
rappel qu’Il se rend à nous.
Comment bannir ses pensées de ma
conscience? Elles ne sont pas réalistes, même pas plausibles à cette étape-ci
de mon traitement. Il y a encore beaucoup de possibles : d’autres
traitements de chimio, l’opération pour le foie, encore des traitements après….
Je ne suis qu’au début de mon traitement, armé jusqu’aux dents pour faire
bataille, entouré de plusieurs bons soldats sur la ligne de front et plusieurs
centaines de soldats dans les campagnes, monts et vallées de ma vie.
Alors pourquoi cette pensée
incessante depuis une semaine. Elle me hante et me rend triste et hyper-vigilant
devant chaque tradition à accomplir, ou que je n’arriverai pas à accomplir
cette année, Mes limites physiques m’imposant la prudence. Je suis hyper-vigilant
et sensible à des petites choses, moins importantes certes, mais tout de même :
notre tournée des magasins pas fait encore, le cadeau a échangé avec Nycole pas
acheté, la joie de donner des petits quelques choses aux amis n’aura pas lieu, j’ai
peu ou pas participer à la préparation de la maison pour recevoir la tribu, je
ne suis pas particulièrement emballé cette année, même si j’ai réussi à emballé
quelques cadeaux hihihi. Enfin des niaiseries direz-vous et avec raison. Mais
dans la perspective ou mon cœur craint une dernière représentation de ma veille
de Noël, je me trouve plutôt morose que joyeux. C’est peut être mieux ainsi! Le
détachement vous savez…. Bon enfin!
Je sais bien que quand la tribu
arrivera, et que la maison sera pregnante de monde, de rires et de taquineries
je retrouverai mon enthousiasme d’antan… ou je serai dans la tristesse si je suis
incapable de faire fuir cette idée saugrenue que ce pourrait être mon dernier
Noël.
Évidemment ce pourrait être le
dernier Noël de bien du monde qui n’ont pas le cancer. Et cela le sera. Par
exemple les accidents d’auto avec chauffards en état d'ébriété, plusieurs causeront la
mort. Ce sera le dernier Noël de ces personnes qui ne le soupçonnent d’aucune
façon. Les fanfarons de la route enneigée, que ce soit le skidoo ou le VTT, il y
en aura qui n’en reviendront pas, ce sera leur dernier Noël aussi,
À la différence qu’eux ils n’ont
qu’à bien se tenir et la mort passera ailleurs. Boire moins, conduire moins
vite, être prudent et raisonnable sur le chemin. Comme disait quelqu’un hier :
« Ce n’est pas la modération qui ruine le party, c’est l’excès. »
Donc il y a une chance, avec un peu de
discipline, de diminuer drastiquement
pour ces personnes les risques de mourir durant le congé de Noël.
Mais moi … stade 4 du cancer du
côlon, métastases au foie et ailleurs, qu’en est-il? Quelle sont mes chances de
repousser ARNOLD? Que puis-je faire de plus? Malgré les efforts de mon armée,
ce pourrais-tu que je ne vois pas un autre Noël? Et tout ce que cela implique?
Tout en moi crie NON, ben non voyons donc, quel est ce défaitisme? Allez hop!
Debout mauviette! Qu’est-ce que c’est que cet apitoiement sur son sort,
nombriliste et contre-productif?
Ben oui, je me ressaisirai c’est
certain. Mais disons que cette semaine et mes pensées négatives me mettent en pleine
face tout ce que peux perdre, tout ce à quoi je tiens. Évidemment les choses
plutôt accessoires mentionnées plus haut ne sont que cela, accessoires. Mais m’asseoir
autour de la table du réveillon avec mes enfants, petits enfants et les
conjoints, ma belle maman et mon beau frère, recevoir mes amis et trinquer. Les entendre et les voir rires, s’amuser, manger avec les yeux et le
cœur toutes ces traditions du rassemblement familial, se lancer dans des
discussions de grande envergure ou de petite taille, parfois même déplacées…. Voir
tout cela sans penser que ce pourrait être la dernière fois m’est impossible. C’est
au dessus de mes forces. Car ce pourrait être la dernière fois, et j'en veux plus! Comme un glouton devant sa bouffe ou son boire, j'en veux plus!
Alors raison de plus d’en profiter
au maximum! Allez hop à la table, riez, mangez, parlez tous en même temps,
faites famille et refaites famille…. Allez allez le temps presse, ne perdons
pas une seconde, pas une… C’est Noël pardieu!
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