ENTRÉE XVI
05-12-2015
Déception, triporteur, normalité. »
Arnold s’immisce dans ma vie ,
dans notre vie, de bien des façons. D’abord, et ce sera ma déception, il occupe
tellement mes pensées, mon quotidien, mon temps, car lui faire la bataille
exige du temps de préparation et de déploiement de stratégies pour contrer ses
attaques. Même si pour le moment je ne suis pas trop affecté par ses attaques,
je dois m’en protéger et protéger les miens : prendre ma médication contre
les nausées, pour les intestins, me gargariser quatre fois par jour, prendre
mes glycémies, tirer la chaîne de la cuvette deux fois de file et désinfecter
le siège à chaque fois que j’urine (assis car debout c’est un risque de
contamination).
Parenthèse j’ai une blessure d’enfance,
quête identitaire, qui se retrouve dans cette anecdote qui me remonte en
l’écrivant. Une blessure qui est vraiment apparue il y a une dizaine d’années
alors qu’on me demandait, en riant, dans
un événement familial : « Pisses tu encore assis toi? » Et moi
la moumoune, j’ai répondu, au lieu d’envoyer les deux dames chier. Cet événement
est devenu par contre le catalyseur que j’avais de besoin pour que cesse ce
genre d’abus à mon égard en prenant une distance de ces personnes. Évidemment,
si je n’avais pas été une moumoune, j’aurais confronté, mais en bon chrétien …
blablabla. Mais au fond, je sais aujourd’hui que le fait que cela m’est retourné
à ma blessure d’enfance m’appartient à moi et non à ces deux personnes. Fermons
la longue parenthèse, mon Dieu qu’Arnold me fait faire de la route.
Alors j’en reviens à mes
stratégies pour contrer ARNOLD. Je dois aussi porter des gants pour ne toucher
rien de froid, je ne peux boire rien de froid, don il faut penser de garder de
l’eau tempéré de disponible car je dois boire 8 à 10 verres d’eau par jour, il
faut que je me pique à l’insuline à cause du décadron etc…. Ce ne sont pas des
plaintes, pas du tout! Je dois faire ces
choses afin de bien faire face aux affres d’ARNOLD et de CHIMIVIE qui tout en
combattant ARNOLD me donne du fil à tordre aussi.
J’en arrive (finalement) à ma
déception. C’était la fête de ma douce le 4 et j’ai oublié de lui souhaiter
bonne fête. Arnold me garde la tête tellement occupé que je suis passé à côté.
Je n’ai rien prévu pour cette journée là (elle avait été fêté il y a quelques
jours). Je n’étais pas dans le jeu du tout, mais que dans ma tête. Je suis déçu
de l’avoir déçu. Mais j’y avais pensé à 1h15 du matin, quand nous nous sommes
retrouvés deux insomniaques au salon. Mais rappelez-vous que dans une entrée
précédente j’ai mentionné que Nycole n’apprécie la nuit que pour dormir. ET cela inclut parler. Alors je me suis tu! Hihihi…. Mais quand on
s’est retrouvé vers 6h30 ce n’était plus dans ma tête. Voilà pour la déception,
c’est arrivé, elle a exprimé sa déception
et moi mon regret aussi et on a rapidement mis cela de côté pour
profiter de notre journée ensemble. ARNOLD nous vole du temps, on en rajoutera
pas en boudant certainement.
Le triporteur maintenant :
Une de nos activités préférées, relent d’avoir élevé une grosse famille, c’est
d’aller au COSTCO. Avant ma chimio je commençais, suite à mon opération, à
avoir de la difficulté à toffer la runne comme on dit. Mais hier matin je
savais bien que je ne pourrai y arriver. Mais ORGUEIL s’est pointé la binette,
ah ORGUEIL, ennemi presque aussi dangereux qu’ARNOLD quand on y pense. Car il
peut tuer notre essence identitaire, tellement il a un pouvoir sur nous. Bref,
je savais en arrivant et j’exprime cela à Nycole dans ma voix éteinte qui surgit
quand je suis fatigué. « Peut être pourrai-je prendre un
triporteur? » Nycole acquiesce rapidement’ » Ce serait une bonne
idée, » « Oui mais je ne pourrais pas pousser le panier, tu vas être pris
avec » répond le macho. Le
regard de Nycole exprime quelque chose du
genre « Et toutes les fois où j’ai fait l’épicerie sans toi et avec
quelques enfants accrochés après moi, t’en fais quoi? » Mais ORGUEIL lui
ne voulait pas que les gens me voient dans un triporteur, laissant ma femme
pousser l’immense panier de COSTCO beaucoup trop plein et pesant. Ah ORGUEIL! Mais "fort" de ma croissance personnelle (hihihi) après tant d’années de travail
sur moi, j’ai pu contrer ORGUEIL et mon machisme et me mettre le derrière dans
le triporteur. Cela m’a permis de vaquer à cette belle activité (sic),
essentielle tout de même (re-sic), sans m’épuiser. (Avec plus de temps je pourrais vous raconter toute une anecdote de machisme quand j'ai failli "mourir" en revenant du PORTUGAL).
Ce qui m’amène à mon troisième
sujet : la normalité (cela fait tellement longtemps que j’écris cette
page que j’ai dû retourner au haut pour me rappeler le troisième sujet -
faut dire que j’ai commencé à trois heures du matin). Une des raisons pour
laquelle je ne voulais pas être trop fatigué avec le COSTCO, outre que l'inteligence même de ma situation, c’est que j’ai organisé hâtivement
un souper au resto avec nos amis pour souligner la fête à Nycole ce soir-là.
Oui oui quand même, quand elle m’a fait comme réponse à ma question "as-tu des
choses de prévus aujourd’hui?" : « Non je ne savais pas ce que toi tu
avais prévu pour ma fête. » Et bien tout d’un coup j’avais prévu le souper
au resto.
Alors tout cela pour dire que je
me suis habillé pour la deuxième fois
depuis mon opération avec autre chose que du mou, la première étant les
funérailles de ma mère quelques jours après ma sortie. CACAHUÈTE nuisant le
port de linge trop serré. Et à mon poids tout est serré. Un nouveau polo que je
n’avais pu porter encore acheté à la fin de l’été juste avant toute cette
épisode, un pantalon , mon dieu un pantalon!!!! Alors nous voilà assis au
resto, CACAHUÈTE, ARNOLD, les relents de CHIMIVIE, Nycole, Francine et Siméon
avec bouteille de vin et un bon repas asiatique. On mangeait, on buvait et on riait
comme tout le monde! Pas une larme de
versée, sauf celles du vin. La normalité est arrivée tout d’un coup. J’ai adoré
ce moment, c’est comme si c’était ma fête.
Ah ARNOLD tu ne me feras pas plier
les genoux! Grâce au fait que Nycole ait exprimé son besoin, nous avons passé
une belle soirée avec nos amis, qui nous a replongé dans une certaine normalité…
jusqu’à temps que je réalise que j’avais oublié de me donner mon insuline ce
matin-là…. Inquiétude te revoilà !
Connaissez-vous ce vieil adage amérindien "Ne juge pas ton frère avant d'avoir roulé au moins trois rangées au Costco dans son triporteur ?"
RépondreEffacerÀ moins qu’ils n’inventent bientôt un triporteur avec un sidecar (où Nycole pourra s’asseoir) muni d’une « pine » pour y accrocher un chariot d’épicerie, tu devras te résoudre, du moins pour un temps, à mettre de côté ton orgueil et à trouver plaisir à ce nouveau véhicule qui te permet de profiter de cette activité qui vous plait tant (et qui est parfois nécessaire) qu’est le magasinage.
Mais sérieusement, qui, dis-moi, en te voyant au volant de ta « moto », aurait pu porter un jugement?
S’il s’en trouve un, je vais lui servir -pour reprendre une expression marquante entendue de la bouche de ma mère alors que j’étais très jeune enfant- « qu’il mange un steamer de marde ». Mais le juge le plus sévère, n’est-ce pas toi, chez motard en herbe? Car pour le moment, Arnold a son mot à dire et tu dois négocier certains compromis avec lui et avec ton sidecar (alias Cacaouète).
Ton cancer? Le cancer? La question se pose et je crois qu’il importe que la réponse fasse sens pour toi d’abord. Je serais portée à dire, pour ma part, qu’il s’agit de NOTRE cancer. Car chacun de nous est touché. Nycole, tes enfants, leurs conjoint(e)s, tes petits-enfants, toute ta famille, tes amis, tes étudiants, tes collègues… Pour chacun de nous, ce cancer a transformé notre vie. Et comme te le disait ta fille, lorsque tu lui disais que tu ne voulais pas qu’Arnold l’empêche de vivre sa vie : « Maintenant, cela fait partie de ma vie papa… »
Pour ma part, tout ce qui avait de l’importance à mes yeux, avant, en a encore plus. Et les peccadilles, elles, sont davantage prises avec un grain de sel. Exemples? ma fille ouvre la porte du frigo et une douzaine d’œufs, placée trop au bord d’une tablette, s’effondre dans un splouch sur la céramique. « Mais non, c’est pas grave Flo…Y’a bien pire que ça ». Je n’ai plus le goût de perdre des bouts de ma vie avec des trucs sans importance…J’ai le goût de savourer chaque instant, plus que jamais…Et j’ai le goût de rendre grâce pour tous ces bonheurs, incluant tous ceux que tu nous apportes, Marc.
Merci c'est gentil Michèle.Oui en effet quiconque me juge peut aller se faire foutre, mais je reconnais bien que c'est moi qui se juge d'abord. Pour ce qui es de l'omelette à terre je suis d'accord perdons pas de temps avec ces choses. Heureuse Florence qui ne se fera plus chicaner. Hahaha.
EffacerL'orgueuil prend un coup c'est bien certain, mais en cours de route il faut redéfinir la normalité. Cette nouvelle routine devient ta normalité.
RépondreEffacerTu as bien raison Barbara.
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