mercredi 30 décembre 2015

ENTRÉE XLIII (43) - Rencontres de cancéreux!



ENTRÉE XLIII (43)

30-12-2015

Rencontres de cancéreux!

Depuis quelques jours j’ai fait des rencontres au hasard avec des gens qui connaissent des gens qui ont eu ou qui ont des cancers, des gens qui ont le cancer actuellement ou qui attendent un diagnostic de cancer, des gens qui ont perdu des amis au cancer et d’autres qui ont vu des miracles de longévité malgré le cancer. La maudite attente! Le maudit cancer! Sont des sujets impératifs. On échange des anecdotes, on valident des informations, on partagent nos états d’âme, on s’encouragent.

On m’a parlé d’une dame qui après avoir eu un diagnostic de 4 ans, vit encore cinquante ans plus tard. D’une petite fille qui devait avoir quelques mois et qui a duré plus de huit ans. Évidemment il y a des décès, des amis partis, des proches qui ont pas survécu le temps annoncé.

Un couple perdu de vue un peu depuis quelques années, nous rencontre en sortant de l’hôpital Sacré-Cœur d’où elle vient de subir un énième traitement de chimiothérapie. Elle aussi un cancer du côlon pris plus à temps, opération côlon et foie en même temps par laparoscopie. Nous avons les mêmes traitements. Elle depuis quatre ans. J’entends les mots, depuis quatre ans. Elle nous partage que ces quatre ans lui ont permis de voir naître ses deux petits-enfants. Quatre ans, cadeaux de la vie! Certains parlent de miracles, d’autres d’alimentation, d’autres d’un saint quelconque ou de la prière fervente. Chaque affirmation est faite avec passion, détermination et bienveillance. Personne ne soupçonne l’impact que ces propos peuvent avoir sur moi. Et c’est bien ainsi… c’est à moi de faire la part des choses.

Ces rencontres sont parfois déstabilisantes, décevantes ou stimulantes. Mais à chaque fois j’en sors grandi. Avec de nouvelles réflexions, des questions à réfléchir, des opinions plus claires, des connaissances supplémentaires.  Je retiens cette phrase que Robert me partageait, pĥrase dite par l’oncologue de sa femme : « la biologie est imprévisible vous savez. » 

Oh que oui celle-là je l’aime! En effet, la biologie est tellement imprévisible que la science ne peut expliquer pourquoi un traitement identique pour un cancer identique ne donne pas les mêmes résultats chez des patients différents. La biologie est imprévisible.  Pourquoi certains patients ne vivent pas le temps promis et d’autres dépassent de beaucoup la sentence annoncée? La science est incapable de répondre à cette question.

« La biologie est imprévisible » ouvre encore une autre porte d’espérance. Comment savoir que mon corps respectera la médiane de deux et demie, ou le 13% qui survivent plus de cinq ans, ou l’exception qui vit encore une dizaine d’années. Comment savoir? La biologie est imprévisible, on ne peut que spéculer. Et spéculer pour nous aider à prévenir, préparer ce qui doit l’être ça va, mais il ne faut pas que la spéculation nous détourne du moment présent.

Le fameux moment présent. Comme disait une personne rencontrée aujourd’hui au centre d’achat… « C’est de valeur que ça prend un drame pour nous le faire réaliser. On devrait toujours choisir le moment présent, c’est le seul que nous avons vraiment. » Je me reconnais bien dans cette phrase. Parce que j’y crois vraiment et parce que je reconnais que c’est difficile de rester dans le moment présent.

Ces rencontres de ces derniers jours me placent au coeur d’une communauté de gens souffrants, vivant des événements semblables, mais chacun à sa façon. Cela rejoint ce que je disais à mes enfants au début de cette épisode : « Je ne suis pas le premier ni le dernier à vivre cela. Je fais partie d’un groupe malheureusement de plus en plus nombreux. » C’est le fruit de mon expérience de 17 ans de travail auprès des patients en soins palliatifs. Je sais à quoi m’attendre pensai-je. Mais je retiens que la biologie est imprévisible. Ainsi aucune attente n'a de sens vraiment.Si ce n'est que nourrir notre espérance ou malheureusement pour certains le désespoir.
 
Des rencontres riches d’espérance! Des beaux moments présents. J’ajoute que l’un des couples rencontré  a récidivé par téléphone aujourd’hui pour prendre plus de temps que la conversation de corridor que nous avions eu quelques jours auparavant. Quelle belle délicatesse! Merci là Vie!


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Mise à jour de ma santé. Hier j’étais assez moche en revenant à la maison comme je le disais. Mais aujourd’hui c’était mieux. J’ai pu aller magasiner un peu. en me reposant plusieurs fois, prenant mon temps, vitesse pépère, mais néanmoins j’ai pu le faire. Je reconnais que le décadron y est pour quelque chose. Quand il sera arrêté. vendredi, l'énergie
tombera à plat probablement. J’ai un nouveau gargarisme qui devrait éteindre le feu sur ma langue. De nouveau sur les tylenols aux quatre heures, car la douleur abdominale est revenue. Et j’ai maintenant trois paires de gants différents pour combattre les neuropathies aux mains selon les degrés de froid. Je dors dans mon fauteuil parce que j’ai le diffuseur à la taille avec CHIMIVIE qui pénètre mon corps tranquillement. Ce sera fini demain vers 13h00 demain et le CLSC le retirera de manière stérilisée, après tout c’est branché au cœur. C’est comme cela pour chaque traitement. Je suis chanceux d’être aussi bien entouré de spécialistes et de professionnelles aussi compétentes.

Bon encore une fois une entrée qui ne finit plus….!

mardi 29 décembre 2015

ENTRÉE XLII (42) - CHIMIVIE frappe fort .... Et les miracles!



ENTRÉE XLII (42)

29-02-2015

CHIMIVIE frappe fort…. Et les miracles.

Mon traitement s’est terminé à 15h20 aujourd’hui. Tout s’est bien passé. Ok la piqure dans le porte-o-cath m’a fait mal … mais ça ne dure pas longtemps (heureusement). On dirait que cette piqure. que je ressens douloureusement au début du traitement, me signifie le mal que CHIMIVIE veut faire à ARNOLD. Alors je l’accueille… oui les fesses serrées … mais je l’accueille comme le son du cor qui donne le signal à la meute de chasser le renard.

Voilà que le liquide meurtrier commence à couler dans mon corps, partout dans mon corps. Frappant les cellules d’ARNOLD cancéreuses et malades, mais frappant aussi le reste de mes cellules saines et nécessaires. Je réfléchis peu à cela, car il faut que ce soit ainsi. Il n’y a pas de façons de contourner. Faire la guerre à Arnold fera des victimes collatérales. C’est ainsi.

Déjà depuis mon retour à la maison je ressens ses effets. Douleurs au ventre et à la poitrine, neuropathies aux mains, aux pieds et à la bouche à la moindre exposition à de l’air froid ou une surface froide comme le plancher ou le granite. La fatigue m’a pris d’assaut et m’assomme comme une masse…. Bon cette image est trop forte. La fatigue me ralentit comme de la mélasse. Bon c’est mieux ainsi. Ma langue et mes lèvres piquent et picotent. Alors tout ceci quoique assez désagréable, me rappelle que la guerre est en marche. Mes torpides sont lancées et mon espérance est que le GPS ne se trompe pas trop de cibles. Par exemple frapper  mon pénis au lieu de mon foie. Ne riez pas! C’est une inquiétude sérieuse pour moi…. Ceux et celles qui me connaissent bien savent combien c’est sérieux. Tacou que CHIMIVIE devant mon organe merveilleux se laisse tenter pour y faire une visite. Oh que non! Je refuse. J’accueille cependant mon ami DÉCADRON qui lui met tout mon corps en éveil. Il peut visiter TINTIN tant qu’il veut. (oui TINTIN est le nom de mon organe… c’est une longue histoire). Se sentir encore virile malgré le sentiment de faiblard et de vieillard causé par CHIMIVIE et ARNOLD, c'est un beaume sur les plaies. Vous me direz que la virilité ne passe pas seulement par le pénis en érection, je suis d'accord pleinement, mais c'est combien agréable tout de même cette forme de virilité.

Entéka … changeons de sujet. J’entends déjà mon amie Francine soupirer et mon beau frère dire: “Oh my God he’s talking about his penis.”  Nycole rougit et Matthieu se roule à terre. Mes filles se disent OUASHHHHHH et Christopher secoue la tête en silence avec un sourire en coin. Mes deux petits fils cherchent à changer leur nom de famille.

Donc je laisse là le sujet "organique" sur lequel je pourrais discourir longuement et j’y reviendrai certainement un jour.
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Jacinthe mon infirmière d’aujourd’hui pour mon traitement de chimio, a voulu renchérir sur le sujet des miracles que je discutais avec ma fille Mélissa, mon accompagnatrice du jour. Elle nous informe qu’elle est infirmière en oncologie depuis 18 ans et qu’elle voit le miracle de la science. « Il y a dix huit ans on aurait pas eu grand-chose à offrir à un patient comme vous. Mais aujourd’hui on peut espérer peut être dix ans de plus de vie si tout va bien. Pour moi ça c’est un miracle! »

En effet, la science évolue en ce qui concerne les traitements de chimiothérapie. Les chercheurs guidés par telle inspiration DIVINE ou telle pulsion de VIE ne cessent de mettre au service du cancer et des personnes atteintes leurs talents, leurs compétences  et leurs charismes. Est-ce cela le miracle? Je laisse à chacun de tirer ses propres conclusions.  Certaines personnes croient que Dieu décide de sauver une telle personne plutôt qu'une autre. Qu’il choisit ses « victimes » basé sur la qualité de leur vie : les bons à droite et les mauvais à gauche. Qu’il punit les méchants. Ou encore que la prière de certaines personnes valent plus que celles d’une autre et mérite récompense. Que le miracle veut dire la guérison ou la rémission non attendue et causée par Dieu. À chacun son espérance.

Ce qui compte pour moi, ce n’est pas la conception de ce qu’est un miracle, mais la croyance que tous les jours il se vit des miracles. La conviction que dans ma vie, aujourd’hui, malgré la MERDE qui puisse y sévir, il y a place pour des miracles. Il y a des miracles. Peut-être que ce n’est pas la guérison du corps, peut être que c’est la guérison de l’âme, de l’esprit, du cœur …. Mais miracle il y a, ça c’est ma conviction. Peut-être que ces guérisons puissent mener à la guérison du corps, peut-être. Si c’est le cas, on peut rendre grâce à Dieu, Allah, Bouddha d’avoir marché la route avec nous. D’avoir souffert à nos côtés. D’être «  demeurer » avec nous!

ENTRÉE XLI (41) - Round trois!



ENTRÉE XLI (41)

28-12-2015

Round trois!

Le feu vert est donné pour le troisième et quatrième traitement. Mon bilan sanguin s’améliore même. Donc mon corps absorbe bien le traitement de chimio. Mon anémie s’est même améliorée. Demain donc, le troisième traitement à midi. Bizarre…  qui l’eut cru, je suis plus inquiet de la tempête de neige annoncée pour demain, que du traitement de chimiothérapie.

Bon ce n’est pas tout à fait vrai, je demeure quand même un peu anxieux surtout des effets secondaires qui augmentent d’un traitement à l’autre. Mais dans les faits, cela devient presque banal de recevoir mes traitements de chimio. C’est incroyable de voir que le traitement qui me faisait si peur au début devient « normal » dans mon quotidien. Cela me surprend et en même temps me réjouit. Je n’ai plus cette peur du traitement, je ne me sens plus prisonnier de mes anxiétés. Je les assume et les accueille. Je me sens d'attaque pour le troisième round.

Aujourd’hui la discussion avec l’oncologue portait sur la rencontre prévue avec le chirurgien spécialiste du foie de l’hôpital St-Luc. Cette rencontre aura lieu finalement que le 29 janvier. Elle a pour but de déterminer si l’opération au foie pour enlever les métastases est possible. Cela semble moins certain selon l’oncologue, mais elle souhaite que les spécialistes se prononcent. En prévision d’une réponse positive, elle prévoit cesser l’avastin au prochain traitement au cas où l’opération est possible. Le cesser pour un traitement ne semble pas risquer l’efficacité de la chimio.

Comment je me sens face à la possibilité d’une autre opération?  J’avoue que je suis ambivalent. Oui si l’intervention améliore considérablement mes chances de prolonger ma vie évidemment. Mais la potentialité de souffrir, d’être hospitalisé et encore une fois aux dépens d’une équipe de soins qui doit tout faire pour moi, ne me plait guère. En fait quand j’y pense je préfèrerais passer à côté. Mais bon nous verrons.

Pour le moment je me concentre sur le troisième round de ma chimio. À chaque fois je vis une nouvelle et différente expérience.   Demain il fera très froid et tempête de neige. Je devrai être bien emmitouflé afin que ma peau ne soit pas exposée au froid. Mes mains et pieds bien au chaud sinon je goûterai aux douleurs des neuropathies, un des effets secondaires vraiment gaussant de la chimio.

Une rencontre d'amis au hasard hier soir me met en contact avec St-Pérégrin le patron des cancéreux. Je l'avais perdu de vue ce cher Pérégrin. Certaines personnes lui vouent une dévotion sans bore, ayant été "guéries" par son intervention. Mes patients quand j'ai commencé dans ma carrière d'intervenant en soin spirituels m'ont fait connaître ce cher saint. Voici quelques éléments de biographie. Éventuellement, dans une entrée ultérieure,  je partagerai mes croyances en lien avec les guérisons et les soi disant miracles.

Saint Pérégrin (1265-1345)

Pérégrin Laziosi est né dans la ville de Forli, en Italie, en 1265. Sa mère, Flore d'Aspin, dans sa foi profonde trouve la raison du prénom qu'elle lui donne: Pérégrin (Pellegrino) qui veut dire pèlerin. «Nous sommes tous des pèlerins sur cette terre. La patrie, c'est le ciel,» dit-elle. Fils unique et très aimé de ses parents, Pérégrin reçoit une éducation chrétienne de son père Béranger Laziosi qui ne manque pas de lui donner, à l'occasion, des sages conseils et surtout le bon exemple.



Malgré l'éducation chrétienne qu'il reçoit depuis des années, Pérégrin, jeune garçon, se joint à un groupe rebelle contre le Pape Martin IV. Pérégrin ne veut pas que Forli appartienne aux États-Pontificaux... le Pape jette un interdit sur la cité: les cloches ne sonneront plus et on ne pourra pas offrir le Saint-Sacrifice de la Messe.
À la demande du Pape, le père Philippe Bénizi se rend dans la ville rebelle pour prêcher la Paix et demande aux citoyens de revenir au calme et au travail. À ce moment, Pérégrin se jette sur le bon père Servite de Marie et lui donne une gifle en plein visage. Le père Philippe quitte Forli, tout en priant pour la conversion de son assaillant. Repentant, Pérégrin vient le rejoindre, il se jette à genoux et demande au père Philippe de lui pardonner le sacrilège! Comme un bon père, Philippe pardonne et lui recommande d'entrer dans sa communauté.

À l'âge de 18 ans, c'est la Sainte Vierge qui invite Pérégrin à se joindre aux Servites de Marie à Sienne. Là, il est accueilli par des frères qui aiment prier.

Plus tard, après son ordination à la prêtrise, il est nommé prieur et fonde un couvent dans sa ville natale de Forli. Il se donne comme mission de visiter les malades, d'aider les pauvres tout en étant un religieux de prière. Un jour, de son vivant, on lui attribue la multiplication de pain et du vin pour les pauvres.

À l'âge de 60 ans, il est atteint d'une maladie incurable à une jambe. La veille de l'amputation, il descend à la salle du chapitre et va prier devant une fresque de Jésus Crucifié. Sa grande fatigue l'endort... dans un songe, Jésus se détache de la Croix, se penche sur lui et guérit sa jambe malade. Il se réveille en sursaut et constate que la douleur est disparue. Frère Pérégrin est guéri et profite de la nuit pour rendre grâce à Dieu.

Après sa guérison, il continue son ministère durant vingt ans. À l'âge de 80 ans, il meurt à la suite d'une forte fièvre. Il est béatifié par le Pape Paul V et le Pape Benoît XIII le canonise en le déclarant patron des malades qui souffrent de maladies incurables, de maux de jambe, de gangrène. Il est prié par les personnes qui souffrent de cancer. Saint Pérégrin, priez pour nous!

(Aujourd'hui encore les pèlerins vénèrent son corps conservé dans la basilique Saint-Pérégrin de Forli.)

lundi 28 décembre 2015

ENTRÉE XL (40) - Quoi dire?



ENTRÉE XL (40)

28-12-2015

Quoi dire?

Force est de constater, que beaucoup de gens sont inconfortables devant le sujet du cancer, de la maladie, de la mort. Certaines personnes ne savent quoi dire, demeurent bouche bée malgré qu’elles aimeraient bien formuler un souhait, faire un contact. Certaines personnes deviennent si mal à l’aise, qu’elles demeurent distantes par peur de dire la mauvaise chose ou pour se protéger de la peine ressentie face à un diagnostic sévère de quelqu’un qu’elles aiment.

Quelques exemples : J’ai reçu un appel d’un collègue de travail il y a quelques jours, tellement nerveux qu’il ne pouvait entendre ce que je lui disais. Il était clairement mal à l’aise d’avoir attendu plus de quatre mois avant de m’appeler. « Heureusement que tu vas bien et que tu n’as pas à subir la chimio pendant les fêtes de Noël et du jour de l’an. » me dit-il après l’avoir informé du fait que je réagissais assez bien à ma chimio et que je recevrais mon troisième traitement sous peu. Je lui ai dit cette information deux fois avant de réaliser qu’il ne pouvait l’entendre. Son malaise s’entendait bien. : « Je ne sais pas quoi dire. Je ne voulais  pas te déranger. Je suis inconfortable. »

Une autre personne garde une distance parce que : «  Je suis envahi de tristesse de savoir ce qui t’arrive. Je prends conscience de l’importance que tu as dans ma vie. » (sic) Au point de me donner un rendez-vous et ensuite de ne pas se présenter ou même y donner suite. C’est le cas de le dire, tout un rendez-vous manqué. Cela m'a blessé et a fait écho à ma blessure d'abandon.
 
Certaines personnes deviennent malhabiles dans la formulation de leur vœux ou leur solidarité : « Tu avais encore tellement à offrir. » Comme si j’étais mort déjà!  J’avoue avoir beaucoup ri devant cette formulation.

Certaines personnes gardent simplement une distance, incapables de formuler un vœu quelconque, ayant tellement peur de faire une gaffe ou d’être confronté à leur peur de la mort, leur peine, leur propre réalité souffrante ou que s’ais-je encore. Dans ma propre famille, au salon funéraire pour ma mère alors que mon diagnostic de cancer venait de tomber, un membre de ma famille a salué tout le monde sauf moi.

Un de mes frères me partageait lors de mon entrée sur le COMMENT ÇA VA  (XIV) « Moi j'hésite à poser cette question puisque je ne veux pas offusquer. »

Autant de raisons que de personnes. Cependant,  de mon côté cette distance peut avoir un impact significatif. Je peux l'interpréter comme de l’indifférence, ou encore comme du nombrilisme. Cela peut jouer directement dans ma blessure  d'abandon,. Cela peut me blesser, faire que je me sente laissé pour compte ou encore même ridiculisé. Peut être que si je dépasse ces premières réactions je peut être  compréhensif et reconnaître le malaise pour ce qu’il est.

Mais plus important encore, c’est le rendez-vous manqué. Rendez-vous entre deux personnes, deux cœurs, deux esprits qui manquent l’occasion de vivre un moment ensemble qui risque de nous rapprocher, qui risque de nous faire grandir, qui risque de révéler un visage d’amour, de fraternité ou même une facette de Dieu. La distance n’est pas la solution.

Je t’invite toi, oui toi l’inconfortable, d’oser le risque de la rencontre. Rencontre en personne ou par écrit, mais rencontre transparente et vraie. Ose dire ton malaise, cela t’aidera à le dépasser. Ose nommer ce qui t’habite et fais confiance que je  saurai te recevoir. Ose quitter le confort de ton inconfort pour risquer la rencontre. Ose te défaire de ton châle de protection et ose la nudité du cœur. Ose le silence du regard compatissant. Il y a une personne proche de moi qui est incapable de nommer sa peine, à chaque fois que nous sommes ensemble les larmes  éteignent sa voix. Mais chaque fois on vit, dans le silence de nos larmes, un moment sacré de reconnaissance de part et d’autre du drame partagé. Les paroles ne sont pas toujours nécessaires mais la rencontre elle l’est cependant à mon point de vue.

En conclusion, il n’est pas important d’avoir la « bonne parole ». De toute façon elle n’existe pas. Ne cherchez pas le confort, car le drame est toujours inconfortable. Ne cherchez pas à m'épargner, car vous risquez ainsi d’ajouter à ma souffrance. Ne cherchez pas à vous épargner non plus, cela peut sembler paradoxal, mais vous risquez d’ajouter à votre propre souffrance. Une collègue exprime à une amie à moi sa souffrance de  ne pouvoir prendre contact avec moi car elle ne sait pas quoi me dire, alors que nous avons pendant des années entretenu une bonne relation. Dites-simplement ce que vous vivez. Une amie m’écrit : «  Je ne sais pas quoi te dire je suis trop en colère contre ARNOLD. » J'ai compris et accueilli ses propos. Et J'ai compris son silence.

Une dernière suggestion : ne niez pas ce que je vis. Si j'exprime une crainte, une peur, ma réalité, un pronostic sombre, une souffrance morale ou spirituelle éviter de me contredire. «  Ben non voyons donc. Sois positif tu verras ça va bien aller. » «  Tu sais ils ne savent pas ce qu’ils avancent, tu vas voir moi j’en connais des gens qui ont défié les statistiques » «  Il y a des nouvelles découvertes tous les jours, tu vas voir ne t’en fais pas. » Quoi qu’il y ait des vérités dans ces affirmations et qu’elles peuvent en effet être source de réconfort si partagées au bon moment et de la bonne manière, elles peuvent aussi être une négation du sentiment que je vis et ainsi ajouter à ma souffrance. Se faire dire que ce que tu viens d’exprimer n’est pas valable ou valide, n’est jamais aidant. Accueillir sur le coup ce qui est exprimé avec le cœur compatissant devant la souffrance est gagnant. Il sera toujours temps plus tard de formuler des propos plus rationnels et porteurs d’espérance.

Osez la rencontre!!!

p.s. Je prends conscience que j’aurais pu discourir encore longtemps sur ce sujet. Désolé de la longueur de cette entrée. Hmmm qu’est-ce que cela dit de moi et de ma propre expérience du silence des personnes inconfortables autour de moi? Bon je vais me coucher, il est quatre heures du matin et je n’ai dormi que deux heures. Tantôt rencontre avec l’oncologue pour préparer mon troisième traitement de chimio mardi. Le combat contre ARNOLD se poursuit. Hier et aujourd’hui j’ai presque retrouvé mon énergie pré chimio…. Yeahhhhh! Demain sera une autre histoire.