ENTRÉE CIII (103)
24-03-2016
Sans titre!
Cher Marc, hier tu as fait référence à un film que
tu écoutais qui portait comme sujet le décès du cancer d’une mère de famille.
Ce qui t’a questionné c’était le fait que la fille ne voulait pas entendre ce
que la mère voulait lui dire avant de mourir. Tu t’es posé comme question ce
que toi tu aimerais dire à tes enfants, comme si tu ne le savais pas. C’est
clair que je n’étais pas là pour t’interpeller. Tu sais très bien ce que tu
voudrais dire à chacun de tes enfants et même à tes petits enfants, surtout les
deux plus vieux. D’ailleurs tu en dis pas mal au travers les entrées de ton
blog, n’est-ce pas? Ce que tu ne sais pas et cela aussi tu la posais comme
question c’est QUAND dire ce que tu aimerais dire? Ah là je te rejoins. Et même
COMMENT le dire. Plusieurs façons sont possibles : verbalement en tête à
tête; par écrit individuellement, en poème ou en conte; via le blog, non pas
vraiment. Pour ce qui est du QUAND la VIE saura te le montrer. Alors ne te
casse pas la tête avec ces questions-là. Ta vie est remplie d’enseignements
envers tes enfants et ils le savent. Et comme tu le sais très bien les actions
parlent plus fort que les paroles. Mais moi j’aurais une question pour toi, he
oui évidemment. TOI qu’aimerais-tu entendre de tes enfants?
Aussi tu as arrêté le film quand la mère a demandé à sa fille de l'aider à mourir. Cela m'intéresse beaucoup. Tu as semblé bouleversé par cela. Es-tu au clair sur ce qui t'a dérangé dans cette scène? As-tu l'impression que tu pourrais faire face à une situation semblable? Si oui que ferais-tu? Si la douleur devient intolérable, la vie insignifiante, la fin trop lente? Demanderais-tu la mort? Maintenant c'est permis de le faire au grand jour dans le réseau de santé. Que ferais-tu? Est-ce cette perspective qui te trouble? Tu as finalement terminé le film. C'est la mère finalement qui s'enlève la vie avec une surdose de médicaments, sachant que ni sa fille, ni son mari pourraient l'aider. Une façon simple de partir, sans devoir demander l'autorisation à quiconque, tranquillement en prenant une surdose de morphine. Hmmm qu'est ce que cela suscite en toi? Comment vois-tu cela?
Aujourd’hui tu es allé à Sacré-Cœur pour ta prise
de sang et ton rendez-vous avec ton oncologue. Il est intéressant que tu es
parti sans tes requêtes pour les prises de sang, sans ton test d’urine, en fait
tu avais tout oublié. Où étais tu ce matin? Heureusement que les infirmières te
connaissent. Avec la doc tu as omis certains sujets. Était-ce là la raison de
tes oublis. Tu ne voulais pas voir la doc et aborder certaines de tes préoccupations?
Tu ne voulais pas parler de tes douleurs au ventre, tes picotements dans les
pieds, la douleur au bout des doigts. Je te connais bien, tu ne voulais surtout
pas qu’elle change le dosage ou le traitement qui est en cours. Tu tiens à
faire tes douze traitements. Cependant je te laisse comme question sur ce sujet :
Si tu ne te confies pas à ton médecin comment veut tu qu’elle te soigne
convenablement? Finalement comme tu vas bien, sauf pour l'énergie et la voix, la doc a autorisé les deux prochains traitements et demandé un scan pour valider l'effet du traitement sur ARNOLD. Croisons tout ce que nous pouvons croiser!
J’ai reçu deux messages aujourd’hui par les
courriels. J’ai le goût de vous les partager en vous souhaitant une belle
montée vers la grande fête de Pâques!
Je
serai avec vous au champ à l’atelier
Dans
les grands entrepôts silencieux de la vie
Et
s’il le faut encore
au
milieu de l’orage
Dressé
Comme
un bel arbre dans le vent.
René Guy Cadou
La fête de Pâques
sera là dans quelques jours.
Elle annonce une
espérance folle qui se perd dans la multitude des twitts et textos.
Elle annonce
l’espérance que nous ne sommes pas seuls dans nos ateliers, nos entrepôts ou au
milieu de l’orage.
Et il y a les
tempêtes semées par des Donald Trump ou Daesh.
Mais il y a aussi
l’espérance que celles et ceux
qui se battent pour
les requérants d’asile à Neuchâtel,
qui accueillent des
réfugiés syriens à Val-David,
qui poussent leur
poteau de chimio dans le corridor d’un département d’oncologie ne sont pas
seuls.
Et
l’espérance dressée par les rires et les babillages des Laurence, Romy, Louis,
Zachary, Caetano, Caleb, Olivia comme un bel arbre dans le vent.
Que la brise légère
de Pâques souffle dans vos vies,
Je n’identifie pas l’auteur car l’envoi était
privé.
L’autre texte, plus public celui-ci :
"Dépouillé de
l'Eucharistie"
J'ai été frappé un jour de lire ces paroles d'Adrienne von Speyr qui, dans un état d'extase, parlait de la descente de Jésus aux enfers lors du Samedi saint : il s' "est dépouillé de son eucharistie" (Au coeur de la passion, Culture et Vérité, p. 127). En mourant sur la Croix, Jésus a remis son esprit au Père, acceptant de se couper de la communion d'amour qu'il y a entre les trois Personnes divines et de la communion avec son Église naissante et avec tous les humains de bonne volonté. Il est descendu aux enfers où demeure uniquement l'absurde du mal avec sa solitude absolue, son vide, son absence complète d'amour et de relation, son je, sans soi, sans tu et sans possibilité de nous, son absence de Dieu et d'humanité, etc. Le mal est un dépouillement eucharistique, car il rompt toute communion.
Quand on entend ce qui s'est passé à Bruxelles et qui se répète aussi dans bien des pays du monde, nous sommes obligés de dire que nous créons, dès ici bas, l'enfer et, que par nos gestes et nos paroles nous continuons à dépouiller le Christ et tout humain de l'eucharistie. Quand comprendrons-nous que la seule attitude qui convienne est celle eucharistique, celle de cet humain qui partage sa vie comme un pain, qui aime son prochain, qui avec miséricorde accompagne l'autre sur son chemin, qui avec tendresse s'attarde auprès du corps meurtri de l'autre, etc. Quand saisirons-nous que l'eucharistie est le sommet de la vie humaine, car elle est la communion de tout humain en Dieu, chacun aimé pour ce qu'il est ?
L'eucharistie est l'amour en gestes, en paroles, en présence. L'enfer gagne sur la terre, car, dans notre quotidien, nous la dépouillons de l'eucharistie. Et, à chaque fois que nous le faisons, le Christ, le Pain de Vie, y est laissé mort, abandonné... Mais, paradoxalement, c'est cet abandon du Fils, consenti le Samedi saint dans une sur-obéissance, dira Adrienne, qui nous permet d'espérer contre toute espérance.
Là même où le mal pensait triompher, dans cet enfer étranger à Dieu, et où seul le mal peut résider, voici que Jésus, au Samedi saint, y descend et s'y tient. Le Fils par amour pour le Père et pour l'humain accepte de franchir ces frontières du mal. Ce faisant, ce lieu sans eucharistie est saisi, par le consentement du Fils, dans l'eucharistie trinitaire nous permettant d'espérer malgré ces 'dépouilleurs d'eucharistie" qui sillonnent le monde en propageant le mal. Même aux fonds de nos enfers, il nous est permis d'espérer.
En ce temps de Pâques, pouvons-nous être des artisans d'eucharistie ! Pouvons-nous, au nom même de la miséricorde, choisir l'amour et non la haine ! Puissions-nous avoir le courage des fondatrices et des fondateurs de Montréal et refonder une humanité qui se tient en Dieu et non en enfer ! Pouvons-nous au nom du Christ être présents à l'enfer de l'autre afin d'y poser une espérance ! Joyeuses Pâques à toutes et à tous !
Stéfan Thériault, directeur du
Centre Le Pèlerin
Aucun commentaire:
Publier un commentaire