ENTRÉE CLXVI (166)
13-06-2016
VIVRE SA MORT!
Aujourd’hui j’ai
repris l’écriture de mon livre sur ce que mes patients m’ont appris aux soins
palliatifs où j’ai œuvré pendant 17 ans. Bizarrement me replonger dans leurs histoires me
fait du bien. J’avais peur que d’y revenir me garderait dans la
sphère de la mort. Bien au contraire, je me rends compte que chaque récit est
plein de VIE! Mes patients, ceux dont je choisis de raconter une brève partie
de leur histoire, ont tous et toutes choisi de VIVRE leur mort et non MOURIR
leur vie!
Vivre leur mort c’est une drôle d’expression
non?
Pas du tout. Quand
j’ai choisi les soins palliatifs comme unité prioritaire pour ma pratique, je
croyais rencontrer des gens qui, ayant abandonné tout espoir, se laisserait
mourir. Je croyais voir des gens malheureux, déprimés, sans espoir et sans but.
Comme j’étais dans l’erreur. C’est tout une autre réalité en fait. J’ai
rencontré nombre de femmes et d’hommes qui ont choisis de VIVRE leur mort. C’est
à dire de rester debout, fidèle à leurs convictions et leurs valeurs, quoi qu’elles soient.
Faire cet exercice d’écriture, je le disais récemment, me fait voir à quel
point j’ai été engagé dans la vie de mes patients et combien mon quotidien
actuel me semble insignifiant à cause de mon congé de maladie. Mais cet exercice me remplit d’espérance sur ma
propre fin de vie (qui est encore loin). Il me permet de revisiter tout ce que
mes patients m’ont appris et évaluer combien ces apprentissages sont intégrés
ou pas dans ma vie. Je crois que cet exercice me donne l’espérance que je saurai
VIVRE ma mort quand le temps sera venu et non mourir ma vie.
Pourquoi penses-tu autant à ta
mort? N’est-ce pas négatif?
J’ai déjà
nommé que je suis un positif réaliste. Je n’aime pas me faire des accroires
(sauf pour mes fantasmes évidemment). Donc je suis dans ces pensées à cause de
mon travail sur les récits de mes patients et patientes. Mais j’avoue que la
mort est omniprésente dans mon quotidien, pas de façon déprimante ou lourde,
mais dans mes pensées. Même si je ne voulais pas que la mort soit si présente,
je ne peux rien y faire. J’ai accepté d’accueillir ces pensées sans leur donner
de pouvoir. J’ai accepté qu’elles fassent dorénavant partie de ma vie. Il est rare
le jour où je n’y pense pas. Une chanson, une image, une histoire dans les
actualités, un moment de bonheur, une visite particulière, l’annonce d’une
maladie dans mon réseau, le sourire de Nycole ou la présence des enfants et
petits-enfants, etc… sont tous potentiellement des déclencheurs de ces pensées.
Alors elles sont là, mais je ne leur donne généralement pas de pouvoir.
C’est cela VIVRE sa mort?
Cela fait
partie, je crois, des attitudes nécessaires pour bien VIVRE sa mort au moment
venu pour cela. Faire face à la réalité, la vérité tel que je la conçois, armé
de mes valeurs et de mes convictions et mon désir d’être fidèle à ma foi,
devraient m’aider le moment venu. En tout cas c’est mon espérance!
Trouves-tu difficile de vivre cela?
Les pensées liées à ma
mort? Oui parfois je trouve cela difficile. Mais je trouve encore plus difficile
d’être étiqueté de négativiste. Sois
positif! Ne sois pas si négatif! On est tous en train de mourir voyons! Le
résultat de ces commentaires me force à retenir l’expression de ces pensées et m’isole avec
elles. Heureusement que je suis assez bien entouré de personnes, dont certaines
qui sont capables de l’entendre et l’accueillir. Et je comprends très bien que
certaines ne peuvent pas et ne veulent pas l’entendre.
Et le livre c’est pour bientôt?
Oh si livre il
y a! Je ne suis pas un écrivain ou un auteur, mais j’aime écrire. Est-ce que
ces récits deviendront un jour un livre? Je le souhaite, mais je n’en suis pas
si certain. Je le souhaite parce que cela met en évidence des personnes extraordinaires
et leur histoire sacrée. Mais aussi parce qu’en ce moment, au Québec, certaines
factions se servent des soins palliatifs comme bouc émissaire pour justifier l’aide
médicale à mourir (AMM) ou pour la réfuter. Plusieurs faussetés sont affirmées des deux côtés de
la discussion. « L’AMM est une façon d’assurer une belle mort dans la
dignité. » La mort est toujours un drame et le mythe de la belle mort me
fait vraiment rire. Il n’y a pas de belle mort, la mort c’est laid en toute
circonstance. « Si on contrôle bien
la douleur comme le fait les soins palliatifs il n’y a pas de besoin pour l’AMM, »
Faux, j’ai vu des patients bien soulagés au niveau de la douleur souhaiter
quand même la mort pour toutes sortes d’autres raisons. Je souhaite que ces
récits, si publiés, auraient comme effet de nuancer les propos d’un côté ou de l’autre. Des gens choisissent de rester debout jusqu'à la fin de leur vie. Oui les soins palliatifs sont souhaitables pour toute personne en fin de vie. Mais quoi que les soins palliatifs ajoutent à la qualité de vie et de fin de vie, si bien réalisé ce qui n'est pas toujours le cas dans le réseau de la santé, ils ne sont pas une garantie que l'AMM ne sera pas demandé.
Fatigué?
Oui il semble
que j’écris depuis des heures, il est 23h30 et mes doigts font mal. Je crains
aussi que je me répète encore et tourne en rond un peu. Désolé pour les
lecteurs, mais de bonnes pensées ou réflexions valent la peine d’être répétées, hahaha.
Et pour moi la répétition est nécessaire car CHIMIVIE me brouille les idées et
les processus réflexifs.
Merci la VIE!
Aucun commentaire:
Publier un commentaire