lundi 30 novembre 2015

Entrée VIII - Tempus fugit



ENTRÉE VIII
29-11-2015

TEMPUS FUGIT!

Ma relation avec le temps a toujours été un peu bizarre. Je n’en tient souvent pas compte.  Il passe, il fuit, mais je ne m’en rend pas compte du tout. Ce qui explique que je suis souvent à la dernière minute, en retard, sous pression, stressé pour livrer une commande au travail. Je ne pense pas que le temps est limité sauf quand je doit attendre quelqu’un qui est en retard, là je vois bien que ma patience a un temps limité :). Avant l'âge de 60 ans je n’ai jamais senti une urgence de vivre, un empressement à réaliser mes rêves et mes désirs . Aujourd'hui j’en ai 62. Je ne pensais qu'à la retraite et le temps que j'aurais pour faire ce que je veux QUAND je le veux. Combien de fois un patient m'a dit en arrivant aux soins palliatifs: "Je viens de prendre ma retraite il y a moins de x mois, j'avais des projets, des rêves pour ma retraite et me voilà ici en train de mourir. J'ai trop attendu."

Vous aurez compris que les choses changent dramatiquement depuis qu’ARNOLD a envahi ma vie. Chaque journée, non, chaque heure revêt une importance plus grande.  Chaque heure devient un cadeau précieux que la vie me donne. Et comme vous le savez, un cadeau cela s'accueille jalousement. Chaque jour est une occasion pour moi de goûter le temps qui m’est donné au maximum. Quelle que soit l’utilisation que j’en fais.  Je m’oblige à me demander chaque jour qu’est-ce que tu veux faire aujourd’hui? La réponse détermine ce que je ferai et pas les obligations, les attentes. Évidemment je choisis parfois de répondre aux attentes ou aux obligations, mais je le choisi en sachant que je vais dévouer mon temps à cela. J'aimerais bien dire que je suis tout à fait maître de mon temps, mais ce serait mentir. Il est dans ma nature de répondre aux attentes des autres. Oui  ma nature déformée, ma nature blessée, ma nature d'enfant qui cherche à être aimé. Ce sur quoi je travaille depuis plusieurs années. Mais des relents de ce comportement persiste et persisteront toujours je crois bien. Nous sommes formés par notre histoire et c'est un défi du quotidien que de libéré l'être intérieur, celui là même que je suis appelé à devenir.
Le temps fuit, disais-je, tout prend une allure différente maintenant. L’urgence de vivre se fait encore plus pressante. J’ai l’impression parfois que je veux tellement profiter du temps que j’en perds à me demander comment en profiter.

Profiter du temps: par exemple un week end avec des amis chers. Je m’inquiétais de me retrouver à cinq heures de mon CLSC. J’ai choisi d’y aller car le temps passé avec ces amis est inestimable et chaque occasion est à privilégier. En prime, j’ai relevé le défi de dépasser mes peurs d'être éloigné de mes soignants. Et si je vous racontais notre arrivée au chalet dans une noirceur à faire peur et un brouillard plus épais qu'uns soupe au pois vous tomberiez à terre de rire.   Oui oui mon amie Francine et moi avec nos lampes de poches cellulairiennes, marchant devant l'auto pour baliser la route pour Siméon notre chauffeur et cherchant la maudite maison qui devait nous abriter pour le week-end. On riait d'avoir peur de se faire bouffer par la faune locale. Ok on riait jaune. On avais tu hâte d'arriver!

Un déjeuner avec ma sœur et mon beau-frère prend tout un air de fête, même si on pleure ensemble au travers les blagues, les palabres et la bonne bouffe. Oui même les croissants brulés de mon beau frère prennent une allure de comédie. Y a rien de grave! Y a plus grave que cela! Que du temps bien investi. "Fallait se voir avant que tu commences ta chimio on sait jamais comment tu vas te sentir." Encore là, le temps fuit et marque l'urgence de vivre, de se retrouver, de se dire, de se définir. Oui on pleure ensemble et c'est bien ainsi. Ils m'écoutent partager mes craintes de ne pas voir mes petits enfants grandir et on pleure ensemble. J'écoute ma soeur me dire que c'est trop tôt pour que je quitte cette vie et on pleure ensemble. Je parle de la peine que j'ai de faire autant de peine autour de moi et on pleure encore un peu. C'est correct de pleurer, c'est aussi cela VIVRE pleinement le temps qui passe. Mais on se ressaisit en se disant que nous ne sommes pas maîtres du temps et qu'on a aucune idée du temps qui reste pour personne. On décrète la fin des larmes et on change de sujet, sachant bien qu'il reviendra, en temps et lieu. Des souvenirs impérissables pour moi et surtout pour ceux qui resteront derrière.

Ces souvenirs sont chérissables à tout jamais. Bien sûr qu'à chaque occasion il me vient LA question serait-ce la dernière fois? Même si je sais que ce ne le sera pas. La question vient. Je choisis de ne pas y donner trop de place car elle me vole du temps. Ce temps que je cherche à protéger jalousement.
J’avoue que c’est un apprentissage, Dans ma vie la performance est importante. J’aimerais dire était importante, mais on change pas comme ça sur un dix cennes. Alors ma vision de la performance dois changer. Passer du temps avec ma famille et mes amis devient un objectif relationnel de performance prioritaire. Il me semble le plus important. Cela aurait dû toujours être le cas, dites-vous? Oui vous avez raison. Le temps passe et nous sommes à nous définir comme adulte, comme professionnel, comme engagé socialement, comme chrétien engagé dans son Église, etc..... Le temps passe et un jour avec l'âge, ayant accompli beaucoup de choses et ayant reçus les accolades de nos pairs, qui nous apparaissaient si  importantes, on se réveille avec moins de temps. Prendre du temps pour regarder les oiseaux à la mangeoire, jaser avec ma petite fille, prendre une bonne marche et admirer la création, tous des objectifs de performance maintenant. Tout comme écrire ce blog qui me fait tellement du bien. Car je suis en relation avec moi même. Je l'écris comme une prière. Un hymne à Celui ou Celle qui m'a engendré et qui continue de m'engendrer. Qui m'a voulu et qui me veut toujours. Qui m'a aimé dès le premier moment et avant même. Et qui n'a jamais cessé.

Je ne ralentis pas le temps évidemment, mais je tente de le remplir de ce que j’ai besoin de faire pour me faire du bien et faire du bien aux autres. Quand je me couche pour la nuit, je rends grâce pour les événements importants de ma journée. Je prends tellement plus conscience de combien il y en a. J’arrête ici …. Le temps file! 

P.s.: N'attendez pas d'être trop vieux ou envahi par votre propre ARNOLD, quel qu'il soit, avant d'apprendre à profiter de chaque moment qui passe.

6 commentaires:

  1. Comment je me sens privilégiée de faire partie de tes pensées les plus profondes, non seulement que ce blogue est une thérapie pour toi mais également pour tous ceux et celles qui t'aiment.

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    1. Merci Barbara c'est gentil. C'était aussi un de mes objectifs en l'écrivant.

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  2. Bonjour Marc, j'ai eu le privilège de t'avoir comme professeur au Pèlerin. Je trouvais que tu était un accompagnateur parfait et je voulais te ressembler plus tard. Tu étais très inspirant et tu le demeures. Je suis certaine que ton être accompagnateur te soutiendra et te portera.

    Je travaille chez les Sœurs de Miséricorde. En octobre, quand Stéfan nous a demandé de prier pour toi, j'ai déposé une demande de prière pour toi au tombeau de Rosalie et auprès des Sœurs, demain, j'actualiserai ma demande. Je crois beaucoup en la puissance de la prière et nous recevons souvent des faveurs obtenues. C'est sûr que nous prions pour ta guérison. Mais au-delà de cela, nous demandons pour toi et les tiens, la force de vivre le moment présent, le courage, l'amour, la sérénité, la paix et même, pourquoi pas la joie. Ce n'est peut-être pas un hasard que tu commences ta chimio en même temps que commence l'Avent... Je prie pour que tu sois nourris et fortifié à tous les niveaux (corps, psyché, cœur profond).

    J'écris depuis quelques années et j'aimerais partager avec toi un texte que j'avais écris sur le moment présent étant donné que tu parles de temps.

    L’instant présent

    « Arrêtez, connaissez que moi je suis Dieu… »

    Par son besoin de vouloir tout contrôler, tout comprendre, l’être humain a instauré le temps, la mesure du temps. Ce temps si précieux, si précis. Pourtant le temps semble lui échapper, lui manquer et chose paradoxale, le temps finit toujours par le rattraper.

    Certaines personnes restent accrochées à ce qu’elles appellent le passé tandis que d’autres se perdent dans un futur incertain. Ne vous perdez pas sur la ligne du temps. Soyez présents à votre vie, à vous-mêmes, aux autres et à Dieu. Dieu est toujours là en communion avec vous, à ce moment précis, dans cet éternel présent. Il n’y a ni passé, ni futur pour Dieu, il n’y a qu’un présent éternel. C’est pour cela qu’Il est si patient avec nous.

    Dieu est toujours là, présent à nous-mêmes comme une offrande d’amour, prompt à la miséricorde, nous prenant tels que nous sommes. Le présent nous permet de vivre de Sa présence, d’être à Son écoute, de se laisser guider par Lui, d’être dans un état de communion qui nous amène à vivre selon Sa volonté. C’est une plénitude, un état de grâce qu’on entretient par le désir de s’unir à Lui, de vouloir en aucune façon être séparé de Lui pendant fut-il un court instant. De tellement aimer Dieu, que tout ce qu’on fait part de Lui et parle de Lui. Tout est Amour.

    Le temps ne passe pas, nous passons dans le temps. Nous sommes des voyageurs intemporels dans une matérialité qui se veut temporelle.

    En vivant branchés à Dieu dans le moment présent, nous sommes branchés à une source d’amour pur, une source intarissable qui nous permet de tout penser, faire et agir avec amour, douceur, dans un simple don de soi en étant l’instrument de Dieu. Nous entrons, alors, dès maintenant, dans la vie éternelle.

    Pourvu que tu sois là, dans le moment présent, ô Jésus, tout le reste n’est rien du tout. Pourvu que ton Amour, en moi, trouve un abri, c’est ma joie et elle est complète. (Extrait de la chanson Pourvu que tu sois là, album Sois loué, Chants de la Famille Myriam Beth’léem, Baie Comeau, ISMB-4-038.)

    Prière
    Seigneur, apprends-moi à vivre dans Ta Présence, chaque instant de ma vie.
    Libère-moi de mon passé et prend en charge mon futur afin que nul obstacle ne vienne me priver, dès maintenant, du présent éternel auprès de Toi.

    Cher Marc, sois assuré que tu es soutenu par plusieurs personnes dans la prière. C'est ça la communion des saints...

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    1. Grand merci Martine pour ces bons mots et ce texte auquel je souscris bien.
      Merci pour les prières et remercie les soeurs de la Miséricorde pour leur soutien priant.
      Le Dieu de la Vie nous veut Vivant!

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  3. à la maison Aube Lumière ns avons un aumonier comme patient, je lui ai demandé d'avoir une pensée pour toi dans ses prières.

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  4. Je constate que, tous ensemble, avec nos expériences, nos richesses et nos réflexions généreuses réunies, nous concoctons quotidiennement comme un gigantesque bouillon de poulet, où chacun de nous ajoute un ingrédient d'amour unique et précieux. Puisses-tu te régaler de cette recette exceptionnelle Marc...Et comme le chaudron est pas mal grand, je crois qu'on pourra aussi se permettre d'en prendre chacun une bonne rasade au besoin...

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