dimanche 29 novembre 2015

Entrée VII - Sac de merde




ENTRÉE VII
28-11-2015

SAC DE MERDE

Drôle de titre hein? Eh bien pour moi ce n’est pas drôle, mais plutôt dramatique. Vous allez voir y a rien de très rationnel dans ce que je vais partager.

Je ne crois pas vous avoir partagé que lors de mon opération pour retirer une partie d’ARNOLD de mon colon, j’ai eu l’honneur, le privilège et la grande joie de me faire poser un sac. Eh oui j’ai subi une colostomie temporaire. Pour les curieux, une colostomie est une résection du côlon (on en coupe un bout) et pour le faire reposer pendant quelques mois on le détourne et on place la sortie au ventre plutôt qu’au rectum. Pas agréable hein? Mais c’est mon quotidien de parler de merde, de jouer avec de la merde, de sentir la merde, etc…. Comme tout le monde direz-vous? C’est vrai. Tout le monde a des selles. Mais moi j’ai le nez dedans. Faut le vider le sac. Ça s’adonne que je suis un excellent producteur de merde, donc je le vide plusieurs fois par jour. Tout un apprentissage que la gestion d’une colostomie. Plusieurs personnes sont stomisées, donc je ne suis pas le seul.

« Oui mais tu as le cancer, c’est ben plus grave! » direz-vous. Eh ben c’est justement là la partie non rationnelle. J’hais plus ma colostomie, mon sac de merde, que j’hais ARNOLD. C’est fou hein? Jugez-moi pas! En fait je dirais que ce n’est pas la même haine. Mais si je dois avoir le cancer, fallait-il qu’en plus j’aie à gérer cette réalité de merde. (Hahaha petit jeu de mot ici. Comme quoi je n’ai pas perdu mon sens de l’humour). Tellement que dans le cheminement avec la superbe chirurgienne qui fut l’auteure de tout cela, j’ai négocié, au moment où je tentais de décider si je prendrais la chimio ou pas car les nouvelles n’étaient pas aussi bonnes que j’aurais voulu, je négociais dis-je pour me faire rebrancher le rectum étant donné que j’ai le cancer et que de toute façon mes chances sont minces de m’en sortir.

Ceux et celles qui me connaissent bien savent que je suis un peu vaniteux et orgueilleux (seulement un peu, je n’exagère pas là-dedans mais tout de même). De me voir avec le ventre fendu comme une paire de fesse, déjà mon orgueil en prenais un coup. J’ai une coupure qui part du nombril et qui se rend jusqu’au pubis. C’est violacée et laid! Mais en plus je dois voir chaque fois que je me déshabille, ou que je le vide, SAC qui pend de mon côté comme un appendice supplémentaire. Sexy le gars! Bon d’accord je n’étais pas le plus sexy avant l’opération, mais au moins dans mon monde fantasmique je pouvais faire semblant. Plus maintenant, impossible je vous dis! Je me regarde et je me trouve laid, en fait je tente de me regarder le moins possible. En fait, après 43 ans de mariage je ne veux plus que Nycole me voit nu. Encore moins me touche, avec ce sac qui se mêle de mon intimité. C’est comme un troisième personnage entre nous. Un ménage à trois? Disons que SAC n’aurait pas été mon premier choix de partenaire supplémentaire. (Hahaha! Encore une fois ce sens de l’humour qui me tient et qui préserve ma santé mentale).

Entéka! Ayant assez imagé mon SAC et ses effets, j’en viens à mon point de non rationalité. Le cancer pour le moment ne m’affecte pas trop (n’ayant pas commencé ma chimio) et il ne paraît pas. Mais SAC lui m’affecte beaucoup. Je suis toujours avec, il me suit partout, il dégage des odeurs, il fait une bosse dans mon pantalon, je dois m’en occuper, le vider, il se décolle parfois. Il m’énerve et m’inquiète et quoique j’ai apprivoisé une certaine partie de son entretien, je suis encore dépendant du CLSC pour une autre partie. Donc, lui en ce moment, nuit à ma qualité de vie et à mon identité de tombeur invétéré et d’amant incomparable (hihihi) ben plus que mon cancer.

Je sais, c’est con et non raisonné. Mais c’est comme cela. Je n’en suis pas fier particulièrement, mais je suis plus dérangé par l’odeur qui se dégage de moi, que par ARNOLD qui me gruge à petit feu. Puéril? Orgueil mal placé? Insensé? Je vous ai demandé de ne pas me juger.

J’en conclus qu’un des défis que me lance la vie à travers cet épisode, c’est de lâcher prise sur ce qui est accessoire et rester centré sur l’essentiel. Je sais cela depuis longtemps il me semble. Dans ce cas je ne crois pas que l’essentiel soit SAC. Je ne crois pas que mon orgueil doive prendre autant de place. Que ma vanité, mon machisme, doivent être à l’avant plan dans ma vie actuellement. Mais que voulez-vous, je ne suis qu’un pauvre pèlerin qui s’est illusionné d’avoir touché au sens profond de sa vie et qui maintenant, face à toute cette adversité, doit réapprendre l’essentiel. Heureusement que le souvenir des patients que j’ai soignés spirituellement pendant quinze ans, sert de bonne fondation pour me réapprendre l’essentiel. Tout comme ma famille d’ailleurs.

Alors SAC et moi, quoique nous ne soyons jamais des amis intimes, nous partagerons tout de même cette intimité de proximité qui veut m’apprendre quelque chose d’important sur moi.

J’ai écrit dans une entrée précédente que je ne voulais pas me censuré. Eh bien voilà.

P.s. : Ne m’envoyez pas des articles ou anecdotes concernant SAC et comment beaucoup de gens vivent « normalement » avec. Je n’en ai rien à faire!  Ce sera un long cheminement … et le temps file à vive allure.

4 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blogue.

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  2. si on lui donnait un nom a ce fameux sac? que penses-tu de cacahuète?

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    1. Je trouve cela très drôle Barbara alors j'adopte le nom... CACAHUÈTE... j'ai pas arrêter de la rire.

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    2. Cacahuète!!! Ha, ha! Je la trouve bonne! Au moins à travers tout ça reste l'humour!!!

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