ENTRÉE VII
28-11-2015
SAC DE MERDE
Drôle de titre hein? Eh bien pour
moi ce n’est pas drôle, mais plutôt dramatique. Vous allez voir y a rien de
très rationnel dans ce que je vais partager.
Je ne crois pas vous avoir
partagé que lors de mon opération pour retirer une partie d’ARNOLD de mon
colon, j’ai eu l’honneur, le privilège et la grande joie de me faire poser un
sac. Eh oui j’ai subi une colostomie temporaire. Pour les curieux, une
colostomie est une résection du côlon (on en coupe un bout) et pour le faire
reposer pendant quelques mois on le détourne et on place la sortie au ventre
plutôt qu’au rectum. Pas agréable hein? Mais c’est mon quotidien de parler de
merde, de jouer avec de la merde, de sentir la merde, etc…. Comme tout le monde
direz-vous? C’est vrai. Tout le monde a des selles. Mais moi j’ai le nez
dedans. Faut le vider le sac. Ça s’adonne que je suis un excellent producteur
de merde, donc je le vide plusieurs fois par jour. Tout un apprentissage que la
gestion d’une colostomie. Plusieurs personnes sont stomisées, donc je ne suis
pas le seul.
« Oui mais tu as le cancer,
c’est ben plus grave! » direz-vous. Eh ben c’est justement là la partie
non rationnelle. J’hais plus ma colostomie, mon sac de merde, que j’hais
ARNOLD. C’est fou hein? Jugez-moi pas! En fait je dirais que ce n’est pas la
même haine. Mais si je dois avoir le cancer, fallait-il qu’en plus j’aie à
gérer cette réalité de merde. (Hahaha petit jeu de mot ici. Comme quoi je n’ai
pas perdu mon sens de l’humour). Tellement que dans le cheminement avec la
superbe chirurgienne qui fut l’auteure de tout cela, j’ai négocié, au moment où
je tentais de décider si je prendrais la chimio ou pas car les nouvelles
n’étaient pas aussi bonnes que j’aurais voulu, je négociais dis-je pour me
faire rebrancher le rectum étant donné que j’ai le cancer et que de toute façon
mes chances sont minces de m’en sortir.
Ceux et celles qui me connaissent
bien savent que je suis un peu vaniteux et orgueilleux (seulement un peu, je
n’exagère pas là-dedans mais tout de même). De me voir avec le ventre fendu
comme une paire de fesse, déjà mon orgueil en prenais un coup. J’ai une coupure
qui part du nombril et qui se rend jusqu’au pubis. C’est violacée et laid! Mais
en plus je dois voir chaque fois que je me déshabille, ou que je le vide, SAC
qui pend de mon côté comme un appendice supplémentaire. Sexy le gars! Bon
d’accord je n’étais pas le plus sexy avant l’opération, mais au moins dans mon
monde fantasmique je pouvais faire semblant. Plus maintenant, impossible je
vous dis! Je me regarde et je me trouve laid, en fait je tente de me regarder
le moins possible. En fait, après 43 ans de mariage je ne veux plus que Nycole
me voit nu. Encore moins me touche, avec ce sac qui se mêle de mon intimité. C’est
comme un troisième personnage entre nous. Un ménage à trois? Disons que SAC n’aurait
pas été mon premier choix de partenaire supplémentaire. (Hahaha! Encore une
fois ce sens de l’humour qui me tient et qui préserve ma santé mentale).
Entéka! Ayant assez imagé mon SAC
et ses effets, j’en viens à mon point de non rationalité. Le cancer pour le
moment ne m’affecte pas trop (n’ayant pas commencé ma chimio) et il ne paraît
pas. Mais SAC lui m’affecte beaucoup. Je suis toujours avec, il me suit
partout, il dégage des odeurs, il fait une bosse dans mon pantalon, je dois m’en
occuper, le vider, il se décolle parfois. Il m’énerve et m’inquiète et quoique
j’ai apprivoisé une certaine partie de son entretien, je suis encore dépendant
du CLSC pour une autre partie. Donc, lui en ce moment, nuit à ma qualité de vie
et à mon identité de tombeur invétéré et d’amant incomparable (hihihi) ben plus
que mon cancer.
Je sais, c’est con et non
raisonné. Mais c’est comme cela. Je n’en suis pas fier particulièrement, mais
je suis plus dérangé par l’odeur qui se dégage de moi, que par ARNOLD qui me
gruge à petit feu. Puéril? Orgueil mal placé? Insensé? Je vous ai demandé de ne
pas me juger.
J’en conclus qu’un des défis que
me lance la vie à travers cet épisode, c’est de lâcher prise sur ce qui est accessoire
et rester centré sur l’essentiel. Je sais cela depuis longtemps il me semble. Dans ce cas je ne crois pas que l’essentiel
soit SAC. Je ne crois pas que mon orgueil doive prendre autant de place. Que ma
vanité, mon machisme, doivent être à l’avant plan dans ma vie actuellement.
Mais que voulez-vous, je ne suis qu’un pauvre pèlerin qui s’est illusionné d’avoir
touché au sens profond de sa vie et qui maintenant, face à toute cette
adversité, doit réapprendre l’essentiel. Heureusement que le souvenir des patients
que j’ai soignés spirituellement pendant quinze ans, sert de bonne fondation
pour me réapprendre l’essentiel. Tout comme ma famille d’ailleurs.
Alors SAC et moi, quoique nous ne
soyons jamais des amis intimes, nous partagerons tout de même cette intimité de
proximité qui veut m’apprendre quelque chose d’important sur moi.
J’ai écrit dans une entrée précédente
que je ne voulais pas me censuré. Eh bien voilà.
P.s. : Ne m’envoyez pas des
articles ou anecdotes concernant SAC et comment beaucoup de gens vivent « normalement »
avec. Je n’en ai rien à faire! Ce sera un long cheminement … et le temps
file à vive allure.
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blogue.
RépondreEffacersi on lui donnait un nom a ce fameux sac? que penses-tu de cacahuète?
RépondreEffacerJe trouve cela très drôle Barbara alors j'adopte le nom... CACAHUÈTE... j'ai pas arrêter de la rire.
EffacerCacahuète!!! Ha, ha! Je la trouve bonne! Au moins à travers tout ça reste l'humour!!!
Effacer