vendredi 27 novembre 2015

Entrée VI - Moumoune



ENTRÉE VI
27-11-2015

MOUMOUNE

Malgré ce que je disais dans mon entrée précédente, je dois avouer que lorsque j’ai quitté le bureau du doc je me suis effondré en larmes dans le stationnement de l’hôpital. Tout un combatif n’est-ce pas? C’est aussi cela vivre le moment présent. Rien ne sert de faire semblant d’être fort et invincible quand tout en toi crie le contraire.

Pourtant les nouvelles n’étaient pas si mauvaises : pas de métastases aux poumons ni ailleurs dans mon corps qu’au foie (c’était connu); par contre le PETSCAN a mis en lumière un nouveau ganglion à l‘extérieur du foie qui réduit la possibilité d’être opéré au foie. En plus, une cinquième métastase au foie a été repérée. Moi, mon focus n’a été que sur cela et non sur le fait qu’ARNOLD s’était installé à un endroit circonscrit et non pas un peu partout dans mon corps. Bizarre non? J’aurais dû sauter de joie! Mais non, j’éclate en larmes sans trop savoir pourquoi. Comme si je m’attendais à me faire dire : «  M Pepper, le PETSCAN ne démontre aucun cancer. C’était une erreur d’imagerie. » Drôle hein?

Il faut mettre en contexte. Je suis une moumoune. Quand je suis allé pour mon rendez-vous avec l’oncologue, je suis aussi passé par la radiologie pour qu’on m’enlève le pansement de CATHAMI  pour que l’on teste son fonctionnement (si vous ne savez pas qui est CATHAMI c’est que vous avez sauté une entrée du blog – voir Salut PORT-O-CATH). Une petite affaire de quelques minutes m’avait-on dit. Eh bien l’infirmière, gendarme et robotique sans émotion, (je m’excuse mais elle m’a fait mal et rappelez-vous que je suis une moumoune) a mal jaugé CATHAMI et semble avoir oublié comment piqué dedans et  le fait que je n’avais été opéré que trois jours plus tôt. Elle s’est acharnée sur CATHAMI et sur moi et m’a fait terriblement mal. Il n’en faut pas plus pour que la colère monte. Évidemment, en bon petit garçon, je garde cela en dedans, quoique je dois avouer qu’intérieurement quelques sacres se formulaient. Quand elle a vu que cela me faisait mal, son indice étant que mon corps est devenu raide comme une barre de fer et ma face toute déconfite, elle n'a trouvé qu’à dire; « ben voyons crispez-vous pas comme ça! » Et moi de répondre presque gentiment (moumoune) « ben ça fait très mal ». Heureusement que sa collègue qui a pris la relève n’était pas elle sans compassion et sans logique. « Je ne piquerai pas si je ne suis pas certaine. » Ouf…. Oui parce qu’il faut piquer CATHAMI pour s’assurer qu’il est bien logé dans ma jugulaire

Tout cela, pour dire que cette épisode qui m’a mis au bord des larmes, non en fait en larmes, est restée avec moi tout au long de l’entretien avec l’oncologue qui, en fait, n’avait rien à me dire vraiment (hmmm intéressant que je dise cela alors qu’en fait elle m’annonçait les résultats de mon petscan) et semblait ne pas se rappeler de moi. Encore une fois, ma perception de moumoune. Car lors du dernier rendez-vous je n’en revenais pas comment elle se rappelait de détails à mon sujet. Bon reviens en, me dis-je.

Ce qui en fait est arrivé je pense, c’est que j’ai manqué de foi en moi. Le fait que la douleur causée par l’attaque de ROBOTNURSE m’ait tellement mis à l’envers, m’a fait croire que jamais je ne pourrai faire face aux affres de la chimiothérapie. Je suis trop moumoune. J’ai beau vouloir combattre, mais il faut être bien armé pour aller en guerre.
 
De plus, ce terme moumoune m’a été servi toute ma jeunesse par ma fratrie et m’a causé énormément de problèmes identitaires, d’isolement et beaucoup de peine. Donc, en plus les souvenirs souffrants s’en mêlent. Comme quoi notre histoire nous suit toujours. Même après des années de thérapies, de cheminement, de réussites, de reconnaissances, de découvertes de son être profond, en quelques secondes on peut redevenir ce petit enfant blessé qui ne demande qu’à être aimé.

J’espère que je ne vous ai pas découragé chers lecteurs, ou inquiété ou dérangé. S’il y a une chose que je ne veux pas dans ce blog c’est de me retenir. Donc en effet je dirai tout ce que je porte, en étant le plus sensible possible, mais non en me censurant. Petite parenthèse : hier j’ai entendu une survivante du cancer du sein qui partageait son expérience à la télé et qui a eu la gentillesse de prononcer la phrase suivante : la chimio c’est l’enfer, ça t’arrache le cœur et le corps. » Cela m’a valu quelques heures d’insomnie. Je tenterai tout de même d’être plus délicat.

Prochaine étape, car il faut bien des étapes, sera mon premier traitement de chimio qui aura lieu le 1 décembre. Eh oui j’ai peur! D’abord parce qu’elles vont devoir piquer dans CATHAMI encore, aieeee! Mais aussi parce que ce sera le début des effets secondaires quelques jours plus tard. Alors à vos chapelets, vos icônes, vos pierres précieuses, votre bouddha, votre espace de sérénité et pensez à moi, à nous!

3 commentaires:

  1. C'est SI vrai combien les mots peuvent avoir d'impact! Tu sais, a mon avis, être sensible n'est en rien négatif mais plutôt une force, un levier vers l'introspection et le changement!

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    1. Absolument ... d'ailleurs dans ma profession auprès des patients ma sensibilité a été très aidante. Plusieurs années d'apprivoisement de cette sensibilité m'a permis de bien m'en servir dans ma vie. Mais ici je parlais de moumounerie c"est pas tout à fait la même chose. Je n'aime pas être une moumoune mais j'accepte bien d'être un être sensible. Peut-être que l'un ne va pas sans l'autre....

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